À la recherche de l’instinct paternel / Revue Critique - Idées - France Culture

Publié le par Pierre Gapenne

À la recherche de l’instinct paternel / Revue Critique - Idées - France Culture

« Tous les pères sont dans la nature » nous dit l’auteur, spécialiste chevronné d’écologie comportementale et les soins parentaux ne sont pas forcément l’apanage des femelles, même si leur rôle reste prédominant chez environ 90% des mammifères. C’est tout l’intérêt de cette visite guidée du comportement paternel aux quatre coins du règne animal, complétée par les travaux des anthropologues qui se sont intéressés à cet aspect du lien social. Le moins qu’on puisse dire est que la diversité est totale, c’est même la seule leçon qu’on puisse tirer de ce vaste tour d’horizon, dont l’exotisme le dispute à l’effarante variété des comportements et de l’adaptation des vivants à leurs conditions d’existence. D’autant qu’à l’observation éthologique s’ajoute ici la perspective évolutionniste qui tente d’isoler des caractères établis par sélection naturelle, laquelle est rien moins que linéaire… Des punaises assassins ou des chauffets de Cortez, petits poissons endémiques de la baie de San Carlos au nord du Mexique qui cannibalisent les œufs dont ils ont la charge au campagnol des prairies californiennes qui partagent à égalité le temps passé auprès de la progéniture, ou au marsupial Petropseudes d’Australie qui, fait rare chez les mammifères, passe son temps à enlacer ses petits, en passant par les oiseaux, champions des soins partagés avec 90% des espèces où les pères s’investissent à parité, le tableau est pour le moins contrasté ! Un détail intéressant et révélateur du point de vue de la psychologie de l’évolution concerne les petits poissons du Mexique que je viens de citer et qui accueille et maintient sous bonne garde les pontes de deux ou trois femelles différentes, non sans y prélever sa part de manière à se maintenir en forme pour cette tâche astreignante qui l’empêche de chasser pour se nourrir. Cette forme de cannibalisme limité a un effet sur son apparence en le dotant de colorations vives qui témoignent de l’importance de ses réserves énergétiques. D’où une préférence marquée des femelles pour ces individus colorés qui, en montrant qu’ils sont bien nourris, présentent toutes les garanties de se comporter de manière irréprochables vis-à-vis de leur progéniture. Ainsi va la vie des espèces vivantes, qui enroule à des cercles vicieux de parallèles cercles vertueux.

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Une autre chose est sûre également : le gêne du comportement paternel n’existe pas, ne serait-ce que parce que ce comportement – je cite « recouvre un ensemble complexe de traits qui sont influencés par un très grand nombre de gènes ayant chacun un faible effet, plutôt qu’un seul gène avec un effet majeur ». De même les molécules, hormone juvénile, prolactine stimulant le comportement paternel et diminuant l’agressivité des mâles, ou au contraire la testostérone, qui développe et maintient les caractères masculins, leur rôle doit être analysé de façon extrêmement nuancée, tant les cas de figure sont ambivalents, voire contradictoires. Dans le cas des stéroïdes, une distinction marquée existe entre les espèces monogames où leur plasticité est plus forte, c’est-à-dire que leur taux peut fluctuer entre le moment où ils sont au top dans les interactions avec les mâles rivaux et les femelles réceptives, et celui où leur reflux fait place à l’expression du comportement paternel, alors que chez les espèces polygynes cette plasticité est particulièrement faible. Avec plusieurs femelles, la règle c’est de rester sur le qui-vive… Mais chez certaines espèces le taux de testostérone semble n’avoir aucune influence négative sur le comportement paternel et même, pour d’autres, être indispensable à sa mise en place ! Mais d’une manière générale, on constate que la mortalité des petits est plus élevée en l’absence du père qu’en sa présence.<br /> <br /> <br /> Et les femelles, sur quel type de mâle leur choix se porte-t-il ? Sur le mâle dominant et oublieux de sa progéniture ou sur le bon père de famille ayant remisé sa testostérone ? Car ce choix est déterminant sur les grandes autoroutes de l’évolution, la sélection des caractères masculins se faisant notamment au moyen de ces préférences féminines. En fait il semblerait, si l’on revient à l’espèce humaine, que contrairement aux hommes les femmes aient adopté une stratégie mixte : une préférence pour les « goujats sexy » en période fertile, les mâles dominants ayant en outre une meilleure capacité de résistance aux parasites et aux maladies, ce qui est bon à transmettre à leur progéniture, et un penchant pour le papa poule en dehors de ces périodes réceptives. Je ne veux pas semer de trouble supplémentaire dans la parentalité, mais un clivage difficile pourrait bien menacer tous ceux qui voudraient réunir les deux profils en un.
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