Du travail des préfigurations de nos exercices de style : des dispositifs, des dispositions et des prédispositions à la stratégie...

Publié le par Pierre GAPENNE

La Folie (Szał uniesień) est un tableau peint par Władysław Podkowiński, terminé en 1893...

La Folie (Szał uniesień) est un tableau peint par Władysław Podkowiński, terminé en 1893...

Tous ces cris de la rue ces mecs ces magasins Où je te vois dans les rayons comme une offense Aux bijoux de trois sous aux lingeries de rien Ces ombres dans les yeux des femmes quand tu passes Tous ces bruits tous ces chants et ces parfums passants Quand tu t'y mets dedans ou quand je t'y exile Pour t'aimer de plus loin comme ça en passant Tous ces trucs un peu dingues tout cela c'est Ton Style Ton Style c'est ton cul c'est ton cul c'est ton cul Ton Style c'est ma loi quand tu t'y plies salope ! C'est mon sang à ta plaie c'est ton feu à mes clopes C'est l'amour à genoux et qui n'en finit plus Ton Style c'est ton cul c'est ton cul c'est ton cul Tous ces ports de la nuit ce môme qu'on voudrait bien Et puis qu'on ne veut plus dès que tu me fais signe Au coin d'une réplique enfoncée dans ton bien Par le sang de ma grappe et le vin de ta vigne Tout cela se mêlant en mémoire de nous Dans ces mondes perdus de l'an quatre-vingt mille Quand nous n'y serons plus et quand nous renaîtrons Tous ces trucs un peu fous tout cela c'est Ton Style Ton Style c'est ton cul c'est ton cul c'est ton cul Ton Style c'est ton droit quand j'ai droit à Ton Style C'est ce jeu de l'enfer de face et puis de pile C'est l'amour qui se tait quand tu ne chantes plus Ton Style c'est ton cul c'est ton cul c'est ton cul A tant vouloir connaître on ne connaît plus rien Ce qui me plaît chez toi c'est ce que j'imagine A la pointe d'un geste au secours de ma main A ta bouche inventée au-delà de l'indigne Dans ces rues de la nuit avec mes yeux masqués Quand tu ne reconnais de moi qu'un certain style Quand je fais de moi-même un autre imaginé Tous ces trucs imprudents tout cela c'est Ton Style Ton Style c'est ton cul c'est ton cul c'est ton cul Ton Style c'est ta loi quand je m'y plie salope ! C'est ta plaie c'est mon sang c'est ma cendre à tes clopes Quand la nuit a jeté ses feux et qu'elle meurt Ton Style c'est ton cœur c'est ton cœur c'est ton cœur

Du travail des préfigurations de nos exercices de style : des dispositifs, des dispositions et des prédispositions (à) de la stratégie

            A l’échelle des siècles des évolutions des espèces vivantes, les stratégies vitales des espèces végétales ou animales pour extraire de l’énergie et l’allouer ou la réallouer à différentes grandes fonctions biologiques (comme grandir, se reproduire, se réparer) et à différents organes (les muscles, le cerveau, le tube digestif) » témoignent des contraintes énergétiques du cours des évolutions créatrices animales y compris pour l'espèce humaine : la proche parenté de l’homme avec les grands singes africains est aujourd’hui solidement établie, même si notre espèce se distingue de ses proches parents par une accumulation de traits adaptatifs très originaux qui ont permis son expansion inégalée au sein des vertébrés. Ces adaptations intéressent notamment la locomotion, l'alimentation et la reproduction. Les hommes ont développé un cerveau caractérisé non seulement par sa très grande taille mais aussi par sa très longue maturation. L‘encéphalisation toujours plus poussée des hominines a permis une complexification technique et sociale sans cesse croissante, qui elle-même, en retour, a directement influencé notre évolution biologique. De telles stratégies sont assorties de tactiques qui se configurent au travers de l'expérience des adversités par des styles qui sont des réactions adaptatives aux stress que nous avons à endurer… C’est ces configurations des stratégies de nos dispositions que nous appellerons des styles de vie (les attitudinatifs de Willard Von Quine) : ils préfigurent ce quelque chose en nous qui dit et qui parle… Par la parole, chacun naît, renaît, prend, se déprend, choisit, joue et (se) déjoue (de) ses rôles : il défend ses propres intérêts : les paraboles de la parole parlante (les tonus des regards, des gestes, des postures, des prises de parole et des silences) sont des natures naturantes : c’est sans doute, les brassages des pourparlers de notre paix intérieure qui en témoignent le mieux : le performatif, c’est les contraintes des règles qui président à la prise de parole, leurs astreintes et leurs défauts... Revisitant tour à tour, les deux tomes de Le geste et la parole, L'homme et la matière, Milieux et techniques de André Leroi-Gourhan et nous inspirant assez librement du cours de Jean-Jacques Hublin, nous nous attacherons à tâcher de ressaisir les origines primitives de nos tendances à fabriquer des outils en relation avec les compensations qui sont autant de contreparties attendues susceptibles de nous faire bénéficier d'un gain d'habilités nouvelles acquises à la faveur d'une réorientation des investissements que nous consentons à faire dans les utilisations d'énergie que nous développons et que nous déployons dans les styles de vie de nos activités... Ce que André Leroi-Gourhan désigne comme des tendances, nous les décrirons comme des dispositions, ce qu'il désigne comme des faits, nous les envisagerons comme des dispositifs : les dispositifs de gestion (l'économie de nos activités), de digestion (l'assimilation et la préparation des aliments) et des suggestions (les habiletés, les talents, les compétences et les aptitudes) seront conçus comme autant d'artefacts qui permettent d'enserrer ou de coordonner nos actions comme autant de procédés susceptibles de faire tenir ensemble les éléments internes de nos organisations... Nous frayant une voie entre le travail sur soi des prédispositions de nos dispositions et les techniques des dispositifs que nous inventons et que nous imaginons, nous nous appliquerons à circonvenir les métamorphoses de nos mode de vie et de nos styles de vie...

                Les deux points d’appui de la suggestion sont des dispositifs et des dispositions. S’il n’y a pas de suggestion sans dispositif de suggestion comme espace social ou champ d’activité pour une individualité, celle-ci a ceci de particulier — c’est son immense avantage — qu’elle nous montre mieux que tout autre objet que les dispositifs (techniques) entretiennent un rapport très étroit avec les dispositions (sociales). L’émergence (ou plutôt son retour) de la notion de dispositif dans la littérature sociologique doit beaucoup aux travaux convergents des anthropologues des sciences et des techniques et des spécialistes de la cognition située, qui ont, tout au long des années 1990 et chacun à sa manière, contribué à rendre justice au rôle des objets dans l’action (Voir Politiques de la nature de Bruno Latour, 1999), à montrer à quel point des agencements d’éléments matériels parfois anodins tels des plans, des tableaux de bords ou des listes pouvaient jouer un rôle central dans la configuration des relations de travail. L’étude des dispositions est plus ancienne, et a visé, sous l’impulsion de Pierre Bourdieu notamment, à montrer à quel point l’incorporation de schèmes d’action hérités de la pratique façonne les comportements, conditionne la reproduction d’un certain nombre de manières de faire, d’être ou de penser, par la médiation de l’habitus, cette « structure structurée structurante » génératrice des pratiques (Voir notamment dans La distinction de Pierre Bourdieu, 1980).

                 Le mot disposition, soulignait Pierre Bourdieu dans l’Esquisse d’une théorie de la pratique (1972, p. 247, n. 28), est particulièrement approprié pour exprimer ce que recouvre le concept d’habitus, ce carrefour de nos mentalités est le lieu même de nos apprentissages : c’est d’abord le résultat d’une action organisatrice, c’est ensuite un  état habituel, une manière d’être, c’est enfin une prédisposition, une tendance, une propension à. Dans Le sens pratique, (p 96) il fait de cette notion de disposition, le principe générateur durablement monté d’improvisations réglées : c’est l’habitus du sens pratique de nos dispositions qui opère constamment la réactivation du sens objectivé de nos institutions.

                Le terme de dispositif a notamment été mobilisé dans la théorie foucaldienne, où il sert souvent à désigner des agencements assez vastes d’éléments composites (textes, règlements, plans, énoncés…) propres à soutenir des effets de domination (voir notamment Surveiller et punir de Michel Foucault, 1975). Cette vision étendue de la notion de dispositif s’est maintenue à mesure que les mécanismes de normalisation des comportements postulés par la théorie foucaldienne ont été discutés. Il est en tous cas frappant de remarquer que si la notion de dispositif fait aujourd’hui un retour, c’est sous une forme beaucoup plus modeste et microsociologique, destinée non pas à traquer de grands mécanismes d’ensemble mais plutôt à saisir des objets concrets, limités et surtout facilement observables.

                Passe encore que nos réticences légères à prétendre pouvoir atteindre d’emblée les expressions les plus justes à ce que nous voulons dire, puissent passer pour des aveux de faiblesse, qu'elles ne seraient pas forcément seulement des retenues, des hésitations, des restrictions ou des aposiopèses qui traduiraient les appréhensions ou les menaces qui pèsent dans les émotions de l’expérience d’une conscience malheureuse qui tenterait à toute force à se frayer une voie au travers des chemins de la vie : mais dire que ce sont aussi bien des prudences ou des précautions, qui peuvent souvent être tenues aussi pour être un peu cauteleuses, mais qui visent en réalité, à laisser un peu de champ à une réflexion qui voudrait expliciter les sous-entendus sous-jacents implicites des silences qui s’interrogent dans le for-intérieur de leur introspection, en craignant toujours un peu que les attitudes et les postures des figures de style que nous utilisons, puissent s’avérer pouvoir passer aussi pour de véritables impostures dont l’illégitimité risquerait d’éclater au grand jour par sinon de franches répugnances, du moins par certaines récalcitrances qui ne manqueraient pas de dévoiler alors des dissimulations frauduleuses catastrophiques, c’est là sans doute franchir un autre pas, un faux-pas que nous entendons bien éviter…

            Quand combien même nous serions capables de restreindre nos ambitions et de limiter nos prétentions, nous sommes tellement enclins à exagérer tout ce que nous entreprenons, qu’il est nécessaire d’en revenir à cette puissance fondamentale de l’esprit humain pour la tempérer : ma suggestion comme le soutient Platon dans Le Sophiste (247 d-e) est que tout ce qui possède quelque espèce de pouvoir, pour affecter une autre réalité ou en être affecté, ne serait-ce qu’un moment, aussi insignifiante qu’en soit la cause, aussi léger et momentané qu’en soit l’effet, a une présence réelle et je tiens que la différence de l’être est simplement de pouvoir nommer : je dis que ce qui possède naturellement une puissance quelconque, soit d’agir sur n’importe quelle autre chose, soit de subir l’action, si petite qu’elle soit de l’agent le plus insignifiant, et ne fût-ce qu’une seule fois, tout ce qui la possède est un être réel ; car je pose comme une définition qui définit les êtres, qu’ils ne sont autre chose que puissance. Mettant en évidence ainsi, cette puissance fondamentale de l’esprit, nous comprenons mieux comment les corporéités du style s’incarnent dans des postures, comment les règles de nos méthodes codifient des styles, comment les mouvements du corps s’inscrivent dans des registres de nos schémas corporels qui nous permettent de prévoir et d’anticiper le déroulement et le développement de nos activités…

PLAN du texte à venir

1)            Les corporéités du style : les postures du style

2)            Le style comme méthode : les codifications du style

3)            Le style en mouvement : les prolepses du style

4)            Un style en devenir : les anticipations du style     

                Le Style en acte. Si les intuitions du style ne sont pas des prophéties, elles ont pourtant le pouvoir de sous-entendre que quelque chose comme une pragmatique du style est possible et même souhaitable. Cette pragmatique peut être envisagée de trois points de vue :

                                                                                               -    1) une pragmatique qui s'occupe de l'influence et des conséquences du langage sur le contexte (extralinguistique) : optique proche de celle de John Langshaw Austin (comment modifier le monde en disant quelque chose / comment agir sur le monde en disant quelque chose).                                                                                            

                                                                                              - 2) une pragmatique qui s'occupe plutôt de l'influence et des conséquences du contexte sur le langage (dans quelle mesure ce qui est dit dépend des circonstances dans lesquelles cela est dit) : c’est la signification stimulus et la sous-détermination de la théorie par l’expérience dans l’optique de Willard Van Ornam Quine. Cette deuxième perspective permet également de rendre compte de ce que l'on appelle la « communication non verbale » (distincte des comportements non verbaux).

                                                                                       - 3) une morphogenèse (au sens de René Thom) de nos socio-styles :

                                                                         

Publié dans Philosophie

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