8) Expérimenter la nature de nos liens ...

Publié le par Pierre GAPENNE

 Les croyances sont vraies ou fausses et sont supposées s’ajuster au monde, alors que les désirs et les intentions sont réalisées ou non et le monde est plutôt supposé s’ajuster à eux...

Les croyances sont vraies ou fausses et sont supposées s’ajuster au monde, alors que les désirs et les intentions sont réalisées ou non et le monde est plutôt supposé s’ajuster à eux...

    Enquête qui renvoie au livre qui réunit les textes fondamentaux de cette discipline par J Dutant et P Engel : Philosophie de la connaissance : croyance, connaissance et justification.

   Ajuster le monde ou s'ajuster au monde. La traversée de l'improbable Dissonances et consonances Pâtir et compâtir Transvaluations des faits et transmutation des valeurs

      Il ne faut pas se cacher que poussé à l’extrême, le contextualisme pourrait nous faire courir le risque d’une forme de relativisme radical contre les normes épistémiques. La normativité épistémique. Qu’est-ce qui distingue une norme d’une norme épistémique ? Obligation et devoir épistémique. Le contextualisme poussé à l’extrême nous fait courir le risque d’une forme de relativisme. La vérité reste bien l’objectif de la connaissance entendue comme enquête. Il est possible que la vertu soit une condition nécessaire de la connaissance mais il n’est pas sûr que ce soit une condition suffisante : il faut chercher un autre modèle pour répondre comme il convient à la question de la valeur de la connaissance, il faut trouver des parades efficaces à la double menace relativiste et sceptique. En quoi consiste la normativité épistémique ? Nous évaluons nos raisonnements et nos jugements et nous disons qu’ils sont justifiés ou injustifiés, qu’ils sont bons ou mauvais, qu’ils sont rationnels ou irrationnels : nous faisons ainsi des jugements normatifs, la justification est une notion normative dans une discipline normative : l’épistémologie normative. NormativitésMUNCH.jpg pratiques, normes épistémiques et normes cognitives. Dans Va savoir  (2007) de Pascal Engel, celui-ci distingue cinq types de normes selon que celles-ci s’appliquent au langage, à la pensée, à la connaissance et selon la manière dont elles guident les états, les actions ou les pratiques qu’elles ont supposées régir :

 

    1)       les normes comme règles de signification linguistique. Savoir ce que veut dire chat, c’est connaître la règle qui permet de l’appliquer à des chats.

   2)       Deuxième type de norme : normes propres à des concepts, (condition de possession de ces concepts) par exemple ceux liés à la perception et ceux liés à la logique. Concepts qui recouvrent des transitions entre des états mentaux et les autorisations prima facie. Principe d’acceptation pour le témoignage, principe d’autorisation (prima facie) perceptive.

   3)       Troisième type de normes : les engagements ou les prérequis normatifs de rationalité qui gouvernent des états mentaux ou des actions. Normes associées à des concepts mais avec des exigences inférentielles qui gouvernent la croyance. Si je crois que p de manière consciente et réfléchie, je ne peux pas en même temps croire que non p. Si je crois que p implique q, alors je m’engage par là même à accepter q. Des normes voisines régissent l’assertion : principe mooréen. Des principes inférentiels de ce genre régissent aussi les intentions. Quelle est la portée exacte de ces normes ? Doivent-elles inclure les normes qu’on trouve dans la conception bayesienne du changement de croyance. L’école bayésienne utilise les probabilités comme moyen de traduire numériquement un degré de connaissance (la théorie mathématique des probabilités n’oblige en effet nullement à associer celles-ci à des fréquences, qui n’en représentent qu’une application particulière résultant de la loi des grands nombres). Dans cette optique, le théorème de Bayes peut s’appliquer à toute proposition, quelle que soit la nature des variables et indépendamment de toute considération ontologique.

   4)       Les normes considérées comme des justifications ou des raisons de croire telle ou telle croyance. Le fait de croyance me donne des raisons de croire que s’il pleut, la rue est mouillée. Ma raison à partir des données probantes dont je dispose pour ma croyance est normative.

   5)       Les normes générales de la connaissance. Ne croyez que p que si elle est vraie. Ne croyez que p que si vous savez que p. Une croyance n’est correcte que si elle est vraie.

 

    Y-a-t-il une structure commune à ces normes ? A partir de ces cinq registres, on peut voir apparaître plusieurs positions possibles : John Skorupski pensent qu’elles se réduisent toutes à des raisons ou à des types de raisons. Pour d’autres comme Zagzebski, elles sont toutes fondées sur des structures des valeurs des vertus épistémiques. D’autres auteurs encore considèrent qu’elles relèvent d’une catégorie spécifique de nécessité normative. D’autres enfin les réduisent à des impératifs instrumentaux et n’y voient que des descriptions générales des fonctions de la cognition. D’où une première question qui se pose à nous : faut-il plutôt admettre un pluralisme ou plutôt un monisme s’agissant de ces normes et de ces valeurs ? Peuvent-elles entrer en conflit ? Doit-on le tenir pour a priori ? Les plus générales seraient constitutives de la pensée quand d’autres seraient plus locales.

 

       Distinction entre les normes et les valeurs : les notions déontiques formulées en termes de devoirs, d’obligations ou d’interdits, de ce qui est correct ou incorrect, de prescriptions et de permissions et les notions téléologiques ou axiologiques qui s’expriment habituellement au moyen de termes comme bon, mauvais, valable, vertueux, vicieux. Putnam  minimise cette distinction entre faits et valeurs : les premières sont liées en faisant appel à des actions et peuvent être l’objet de sanction, elles ne sont pas affaire de degré alors que les secondes impliquent plutôt quelque chose comme une sensibilité de l’agent que celui-ci, se prête à la louange et au blâme plutôt qu’à des sanctions ou des récompenses. On peut faire des comparaisons des propriétés normatives (on est plus ou moins vertueux) mais on n’obéit pas plus ou moins à des obligations. Les propriétés déontiques sont dites minces alors que les propriétés axiologiques sont associées à des propriétés épaisses. Faut-il privilégier les premières ou les secondes : est ce que la priorité accordée aux unes (au point que nous n’aurions que des raisons déontiques ou que des raisons axiologiques). Une éthique conséquentialiste ne retenant que les secondes, est parfaitement défendable (Ruwen Ogier).

     La notion de norme est communément associée ou réduite à celle de rationalité à la fois parce que les normes en général concernent ce que nous devons idéalement faire ou penser de manière rationnelle et aussi par ce que la rationalité semble par nature normative au sens où elle prescrit ou à tout le moins guider une certaine sorte de conduite de notre part. Il y a des raisons d’agir et il y a des raisons de croire et qu’il y a certains parallèles frappants entre la structure des deux domaines : il y a des raisonnements théoriques qui font passer de croyances à d’autres croyances et il y a des raisonnements pratiques qui font passer d’intentions à d’autres intentions ou à des actions. On dit aussi que les croyances et les désirs ont des directions d’ajustement opposées : les croyances sont vraies ou fausses et sont supposées s’ajuster au monde, alors que les désirs et les intentions sont réalisées ou non et le monde est plutôt supposé s’ajuster à eux. Le concept de raison dans chacun de ces domaines théorique et pratique peut tantôt désigner une explication causale (une raison motivante, le mobile d’une croyance ou d’un comportement), tantôt une justification de cette croyance et de ce comportement. On parle alors d’une raison normative ou de motif. Enfin, les échecs de la rationalité pratique (par exemple, la faiblesse de la volonté, l’akrasia), agir à l’encontre de son meilleur jugement semblent avoir certaines analogies avec les échecs de la rationalité des croyances (être dupe de soi, l’aveuglement volontaire), croire à l’encontre de ce qu’on juge ne pas devoir croire. Toutefois, ces analogies ne doivent pas être poussées trop loin car ce que visent les croyances (en principe la vérité) diffère de ce que visent les désirs (leur satisfaction ou le bien). Et nous savons qu’il peut être utile de choisir un parti plutôt qu’un autre, quand on est indifférent on prend les deux mais qu’il n’est pas rationnel de croire une chose plutôt qu’une autre quand nous avons autant de raisons de croire l’une que l’autre. Dans ces cas, il vaut mieux suspendre son jugement. En outre, est-il si facile de déterminer si la rationalité elle-même est plus normative que descriptive ? En un sens ce que la rationalité requiert sur le plan de la normativité, diffère des raisons que l’on a d’agir ou de penser. C’est ce pour quoi certains considèrent que la première prévaut sur les seconds. C’est le cas de la conception relais des valeurs, la back passing dans le domaine éthique soutenu par exemple par des philosophes comme Thomas Cameleon, John Anton Dantzig, John Skorupski. Tous les concepts normatifs, y compris ceux qui sont téléologiques, doivent selon eux pouvoir se traduire en terme de raison donc cela comprend aussi les raisons épistémiques d’où la question qui se pose de savoir dans ces conditions si ces dernières ont ou n’ont pas priorité sur les valeurs épistémiques.

 

Quatrième question : la norme de rationalité, étant entendu qu’il y a des normes épistémiques. En quoi consistent-elles ? Elles recouvrent les exigences générales de la rationalité qui résultent de la nature même de la croyance et de l’esprit. Il y a deux exigences majeures de la rationalité : la cohérence d’une part et la clôture déductive de l’autre. Premier principe, on ne peut pas croire p et non p ; deuxième principe, on doit croire q si on croit p et que p implique q. Mais quelle est la nature de ce on doit croire ? Il semble qu’une contrainte pesant sur une croyance rationnelle ou un principe général que doit suivre n’importe quel sujet qui dit croire quelque chose, du moins si on peut pouvoir dire de lui qu’il est rationnel, c’est qu’il entende les principes de la logique ou encore ceux de la théorie de la probabilité comme les normes les plus générales de la croyance et qu’il ne pourra pas être dit avoir une croyance rationnelle, à moins qu’il n’ait satisfait un certain nombre de ces normes. Le problème, c’est que ces normes ont un tel degré d’élévation que d’une certaine manière, elles ne sont même plus normatives. Pour qu’un principe soit dit normatif, il faut certes qu’il ait une certaine force normative pour qu’il puisse réguler de façon efficace nos croyances mais il faut aussi que d’une certaine façon, il reste une certaine liberté normative au sens où il faut bien à un moment donné qu’on puisse enfreindre les normes générales et abstraites de la rationalité (à l’instar des deux normes de cohérence et de clôture dont je viens de parler) qui n’ont finalement aucune de ces propriétés puisque ce qu’elles caractérisent, ce sont des descriptions idéalisées d’un agent rationnel. Au mieux, elles nous disent en quoi consistent les propriétés constitutives de la croyance rationnelle mais elles ne donnent guère de guide pour nos pratiques épistémiques. Donc, il se peut que de tels énoncés normatifs s’appliquent au fait d’avoir un esprit, donc d’être interprétable comme un esprit rationnel mais on a du mal à voir en quoi elles peuvent avoir en même temps (contraintes normatives) quelque chose de vraiment prescriptif. En tout cas, on peut apprécier la force d’un idéal normatif et comme l’expérience nous l’enseigne en permanence et échouer à inférer si l’on a une raison de ne pas croire. Par exemple, vous croyez que si la terre a été créée en six jours, elle a été créée en moins d’une semaine, on se trouve contraint (ou engagé) en moins d’une semaine. On peut peut-être avoir de bonnes raisons et de bonnes justifications qui vous laissent croire que ce n’est pas tout à fait vrai. Les exigences rationnelles ont une portée large ou étroite, vous devez veut dire, vous ne pas détacher q de p. La rationalité est toujours affaire de portée étroite, c’est une inférence. Le non détachement est le symptôme de l’application des idéaux de la raison à des cas particuliers. Il nous savoir en permanence comment les normes rationnelles idéales régulent les attitudes (aptitudes) épistémiques des agents. Parce que nous ne sommes pas des êtres désincarnés et que nous pouvons être irrationnels à l’occasion, certains ont conclu que les exigences rationnelles dans la mesure où elles expriment les normes de la logique sont impuissantes et que la logique n’a aucune pertinence pour le raisonnement psychologique. Ce faisant, on peut apprendre la logique (celle-ci améliore notre capacité de raisonner) tout comme on peut apprendre les règles épistémiques. Le problème est de savoir comment d’une certaine manière elles nous guident dans nos pratiques épistémiques.

 

      Un cinquième groupe de questions porte sur la régulation normative et sur l’objectivité normative. On dit d’un énoncé normatif qu’il gouverne ou qu’il guide les actions de ceux qui sont gouvernés par la norme qu’ils expriment. En quoi consiste cette régulation par les normes ? S’agit-il d’une simple permission ? D’une recommandation ? S’agit-il d’obéir à une prescription stricte ? Jusqu’à quel point encore, l’agent qui obéit à une norme est il censé être conscient qu’il est sujet à celle-ci ? Dans quelle mesure autrement dit, un « doit » implique-t-il un « peut » ? Et si tel est le cas, quelle est la nature du « peut » normatif ? Cela dépend en partie de la question de savoir si vous considérez le « doit » combattif comme catégorique, c'est-à-dire prescriptif indépendamment de tout but instrumental ou bien si vous l’entendez comme hypothétique, c'est-à-dire relativement auquel une prescription est instrumentale. S’agissant à présent de l’objectivité normative, doit-on considérer que les normes sont plutôt des règles ou plutôt des conventions qui dépendent de décisions humaines ou bien qu’il s’agit de principes universels qui régissent le domaine entier de la pensée ou de l’action, y compris les domaines de l’émotion et du goût. Sont-elles nécessairement plurielles ? Est-il possible de les unifier, de les hiérarchiser sous des catégories distinctes ? Y-a-t-il éventuellement des normes de base qui régiraient l’ensemble du domaine de la normativité ? On retrouve la question du statut ontologique de l’objectivité des normes : y-a-t-il d’authentiques faits ou propriétés normatives qui rendent nos jugements normatifs vrais ou faux ? Est-ce que tous nos jugements ne sont que l’expression de certaines attitudes ? C’est toute la différence entre les cognitivistes (Ralph Wellroudge) ou les exprissivistes relativement aux normes. En fonction de l’attitude adoptée, on peut entendre l’épistémologie comme une discipline métanormative qui va traiter des normes et des valeurs explicites mais qui a aussi pour objectif d’évaluer le caractère approprié et objectif de ces normes à un niveau métathéorique. Y-t-il des standards qui permettent d’évaluer des métanormes qui gouvernent le choix et la détermination des normes qu’il convient d’adopter ? Si oui, comment devons nous les sélectionner, si les normes et les valeurs épistémiques sont objectives, certaines doivent-elles êtres telles que nous (ne) puissions (plus) poursuivre notre évaluation ?

 

      Sixième champ d’investigation : comment naturaliser les normes épistémiques ? Est-ce que les normes surviennent sur les faits naturels ? Peut-on les y réduire ? Sauf à admettre des formes de nonfactualismes, d’éliminativismes d’après lesquelles l’objectivité apparaît à partir d’un discours illusoire, on doit se poser la question de savoir quelle est la nature du lien qui raccorde le descriptif et le normatif ? La contrepartie épistémique de cette question est celle de savoir jusqu’où l’épistémologie doit dépendre des faits empiriques et notamment de ceux qui relèvent de la psychologie et de la biologie. Un certain nombre soutiennent que certains concepts mentaux psychologiques relèvent de l’espace des raisons : s’il y a une dimension normative du mental, est-t-elle intrinsèque ou extrinsèque ? Est-ce un trait réel des contenus mentaux ou n’est-ce qu’un trait de nos attributions et interprétations de nos concepts mentaux ? Comment prenons nous conscience de la normativité du mental ? Cette normativité est-elle phénoménologiquement saillante ? Pourquoi le prenons-nous au sérieux et avons-nous de bonnes raisons de le faire ? La normativité du mental s’étend-t-elle au désir, à l’attention ou à d’autres états motivationnels ? La dimension est un obstacle à l’analyse causale et naturelle. D’où deux types d’investigation : 1) celle qui a trait à l’intégration des normes épistémiques dans une conception naturaliste du monde. 2) Peut-on naturaliser toutes ces questions ?

 

       Obligations et devoirs portants sur les croyances et les justifications épistémiques : le devoir-être n’entraîne pas nécessairement un devoir-faire. Les croyances ne sont pas des actions et ne sont pas sous le contrôle de la volonté, nous ne pouvons évidemment pas nous conformer à de telles obligations. Leurs existences deviennent douteuses. Par conséquent, il n’est pas certain que la responsabilité que nous avons sur nos croyances, que la capacité que l’on a de recevoir le blâme ou la louange dans le domaine épistémique, doive reposer sur l’existence de devoirs épistémiques. Dans quelle mesure la croyance peu-t-elle être volontaire ? Les croyances comme les actions peuvent-elles être contrôlées par nos intentions ? Selon le volontarisme doxastique, la réponse est positive, selon l’antivolontarisme, elle est négative. Même si on est convaincu comme les pragmatistes que ce qui vaut pour l’investigation générale vaut aussi pour l’éthique, que notre expérience est imprégnée de valeurs et de normes épistémiques, cognitives et éthiques, il nous faut accepter de soumettre nos jugements éthiques aux mêmes critères que ceux auxquels sont soumis nos jugements épistémiques ou à défaut expliquer pour quelles raisons, il convient de distinguer les critères éthiques et épistémiques de la justification. Un examen attentif de la controverse entre Clifford (trop exigeant) dans L’Ethique de la croyance qui affirme que «  c’est un tort toujours et partout pour quiconque de croire quoi que ce soit sur la base d’une évidence insuffisante, de raisons non suffisantes », et de William James (trop permissif) doit nous amener à distinguer entre ce qui est éthiquement mauvais et épistémiquement mauvais. La justification épistémologique est une sous-catégorie de la justification éthique. Il y a quelques mérites dans la foi ou dans la croyance de la femme qu’un mari est fidèle alors que les évidences sont contraires. Peirce affirme qu’il ne pourrait pas condamner un homme qui ayant perdu sa femme se persuade de croire en une vie après la mort dans laquelle ils seront réunis même si la croyance est injustifiée ou injustifiable. Peut-on induire en soi des croyances pour vouloir croire ? Même si le sens commun admet que notre volonté et notre désir peuvent nous amener à former des croyances, il ne s’ensuit pas que les croyances induites ainsi soient-elles-mêmes volontaires. De même que nous ne pouvons pas décider de douter, nous ne pouvons décider de croire immédiatement n’importe quoi. Supposons que je veuille croire que je suis courageux pour franchir un précipice, si je veux le croire, c’est que je crois que je ne le suis pas car peut-on vouloir ce qui est déjà le cas ? Si je peux parvenir à croire ce que je veux par des croyances autoréalistrices, cette croyance va coexister avec son contradictoire. Celui qui prend ses désirs pour des réalités (formations irrationnelles de croyances) est plus une victime que coupable de son aveuglement. Nos raisons éthiques l’emportent sur nos raisons épistémiques parce qu’elles sont plus utiles. Clifford pense que la croyance injustifiée (la coupable ignorance) est nocive si elle est délibérée. Celui qui néglige volontairement de vérifier les détails techniques de son entreprise, s’expose. Il s’agit d’une défaillance du devoir moral de savoir. Pour quoi est-il coupable ? Faiblesse épistémique ou faiblesse éthique ? La personne est dotée d’une responsabilité particulière : avoir la maîtrise de sa décision. Ne pas l’admettre reviendrait à ne pas voir qu’il y a des cas dans lesquels les croyances injustifiées ne sont pas dûes à une quelconque incontinence ou akrasia doxastique (une enquête menée en dépit du bon sens ou des conclusions hâtives ou à un aveuglement volontaire) mais sont belles et bien imputables à une inadéquation cognitive personnelles ou culturelles. Cette responsabilité de l’agent ne suppose pas que l’on endosse une conception déontologique de la justification. Car on cède alors à deux illusions : 1) l’illusion cartésienne qui voudrait que notre liberté se manifeste d’abord dans l’exercice de notre volonté (or étant donné ce qu’est la croyance : moins un état mental qu’une disposition à agir), il est douteux qu’on puisse croire à volonté. 2) l’illusion kantienne qui limiterait l’obligation éthique que nous ne pouvons nous empêcher de sentir au seul respect de l’impératif catégorique du devoir. Le contrôle de la croyance ne dépend ni de la volonté, ni de l’obéissance mais plutôt de la distance (irrésistible et naturelle sous l’effet de l’éducation de nos croyances habitudes que la disposition grâce à laquelle nous leur avions accordé notre confiance) critique et réflexive que nous exerçons à l’égard des valeurs et des normes. La justification éthique ne peut tenir lieu de justification épistémique : par mauvais, nous entendons souvent moralement mauvais. James tient la position de Clifford pour étroite et pleutre : « ne croyez rien, suspendez votre jugement plutôt que d’encourir le terrible risque de croire ce qui est faux et cela pour avoir accordé votre assentiment à une justification insuffisante ». A l’inverse il y a des cas où en suivant la voie selon laquelle nous devons suivre l’injonction « nous devons connaître la vérité » et non l’autre « nous devons éviter l’erreur », il peut être bon, voire rationnel de croire des choses qu’on n’a pas de raisons bien assurées de croire. Et même dans certains cas, il peut être bon de croire à l’encontre des données dont on dispose. Si nous devions suivre Clifford, nous irions contre notre nature passionnelle et nous irions contre notre propre intérêt pour la connaissance. James pense donc que nous pouvons croire par l’effet d’une certaine volonté passionnelle indépendamment des raisons épistémiques de croire, qu’il peut être bon de le faire. S’il est rationnel de croire à proportion de ce qu’on est justifié à le faire, on comprend aussi que ce ne soit pas toujours le cas : croire que p peut contribuer à faire voir que p est vrai. Nous ne pouvons condamner ce qui ont foi sans avoir des preuves de croire adéquates mais que nous devons respecter la liberté d’esprit de chacun. Il n’est pas toujours de croire sur la base de justifications insuffisantes. Les liens que nous pouvons construire entre nos obligations épistémiques d’un côté et nos obligations éthiques de l’autre sont susceptibles d’être expérimentés.

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