Subreptions paralogiques de l'improbable...
Comment la subreption paralogique de l’improbable est devenue non seulement possible mais nécessaire et souhaitable ?
(Les anti paradoxes. Il faut préférer l’i
mpossible qui est vraisemblable au possible qui est incroyable).Credo quia absurdum est : je crois parce que c'est absurde.L'occis-mort m'a tuer...
Les appréhensions du style.
CREDIBILE EST QUIA INEPTUM EST ; et sepultus resurrexit ; certum est quia impossibile est :
c’est crédible parce que c’est insensé ; c’est certain parce c’est impossible.
L'improbable crée une rupture (une disruption) épistémologique.
Existe-t-il une différence fondamentale entre la pensée de droite et la pensée de gauche ? Toutes ces questions se ramènent à une seule : penser à droite et penser à gauche sont-ils des invariants constitutifs de la pensée politique ? Or pour répondre à cette question, il faut a minima se donner un premier principe, un présupposé fondateur d’où découlerait d’autres axiomes, à la manière d’un raisonnement hypothético-déductif. S’agissant de la gauche, ce principe est généralement l’égalité. Il fonde l’accès au droit autant que l’égalité des hommes devant la parole. S’agissant de la pensée de droite, le premier principe qui la gouverne selon Emmanuel Terray est le suivant, les autres s’engendrent logiquement : le réel est supérieur au possible, parce qu’il peut être connu par la raison alors que le possible affole l’imagination. De ce principe initial découle une vison de l’homme qui privilégie l’héritage, la dette, l’ordre, l’autorité, et une conception de l’individu soutenue par la croyance en une nature humaine intangible. Comme les moralistes, la pensée de droite ne fait pas confiance à la nature humaine et cette méfiance envers l’épanouissement des passions de l’homme est évidemment lourde de conséquences. Fourier, « ce sergent de boutique illétré », comme il se nommait lui-même, fut un des premiers à renverser cette tendance. Mais la culture de la Restauration ne s’éteignit pas pour autant. La pensée de droite a toujours trouvé sur son chemin un ordre à défendre. Mais ce serait une erreur d’en faire une pesnée monolitihique, indépendante des circonstances, et sans contradictions. Il y aura toujours un écart entre sa version libérale et sa version conservatrice.
Le roi de la mauvaise foi qui s’ignore et de l’affectation qui s’assume, concède et prête toujours aux séductions du changement (il faut tout changer pour que rien ne change) des pouvoirs extrêmement attractifs : la rupture ne consiste pas tant à s'opposer à ce qui précédait qu’à assumer ouvertement une ligne directrice qui aurait été de toute façon suivie en catimini déjà par des prédécesseurs qui auraient pris grand soin eux de le cacher. À la conception paternelle et tutélaire verticale d’une politique à la De Gaulle, succède une conception horizontale des solidarités de l’homme normal névrotique d’autant plus adapté au temps présent qu’il est davantage réactif, même si ses réactions sont un peu brouillonnes, désordonnées et précipitées. Du point de vue conceptuel, cette horizontalité tarde pourtant à s’incarner dans des micro pouvoirs qui pourraient créer les conditions d’une véritable démocratie qui pourrait faire tomber l’expertise verticale dans des expertises horizontales. Le pouvoir postmoderne a écouté la leçon des modernes, celles des Deleuze, des Foucault, des Lyotard ou des Derrida : c’est ce que nous pouvons appeler une politique postmoderne où c’est le tout communicationnel qui périme le passé ; la postmodernité, c’est la fin des métarécits, c’est la fin de la croyance aux pouvoirs de grandes entités comme la Raison, le Progrès ou la Nation, c’est la fin d’une certaine incarnation de la Rationalité Occidentale dont le résultat consiste non plus tant dans un plus petit commun multiple que dans un plus grand diviseur du commun. Le triple défi positif du plaisir, de l'épanouissement et du sens de la vie sans ou avec des efforts est vaincu par l'adversité s'il n'est pas guidé par les plus hautes vertus ...
Si le pouvoir souverain des modernes (Hobbes et Rousseau) s’est voulu rationnel, le pouvoir postmoderne incarne quant à lui sans complexe une manière plutôt irrationnelle : l’affectivité et l’émotion sont au pouvoir : « Sarkozy a noué un pacte émotionnel avec les français » : c’est sa force, sa nouveauté et sa grandeur. Si la postmodernité, c’est ne plus savoir distinguer le vrai du faux, le beau du laid, le bien du mal, le bon du mauvais et le juste de l’injuste, c’est que désormais agir, c’est agir parce qu’on peut le faire, pour la performance : les accélérations des déclarations successives qui donnent le sentiment d’une urgence précipitée. Sous la pression des événements, nous sommes devenus acteurs de ce qui est performant : l’incapacité d’agir nous oblige à multiplier des actions qui sont démenties le lendemain. Pas question de réduire le sarkozysme à une forme, à une manière de faire, à un éthos, à une fougue, à une certaine impétuosité, à beaucoup d’énergie, à la force d’un bling-bling, à une gesticulation et à un relâchement du langage, pourtant il faut convenir que les apparences le laissent souvent supposer et craindre. Nous ne pouvons toutefois pas faire l’impasse sur le caractère structuré et idéologique de son action : c’est une action qui repose sur une pensée qui a été construite sur une synthèse qui pour inédite, approximative et brouillonne qu’elle puisse paraître, n’en est pas moins apparemment ferme et déterminée : d’abord contre toute attente, un atlantisme et un rapprochement avec les thèses de Bush, ensuite, sur le plan économique, un improbable « travailler plus pour gagner plus », enfin avec le discours de Dakar : « un homme noir qui ne serait pas rentré dans l’Histoire ». L’effervescence des motivations investit désormais l’hédonisme ravageur du capitalisme financier. La fin de la guerre froide ayant rendu obsolètes les grands récits, dès lors, se met en forme et en scène le pouvoir de l’émotion instantanée. De quoi se paie cette banalisation du pouvoir ? De l’émotivité des sincérités locales qui sont chaotiques et qu’on est incapable de synthétiser. S’il n’y a plus de grandeur, elle se paie de son corollaire : l’émotivité de l’instant : un crime sordide, une catastrophe naturelle ou une fermeture d’usine sont l’objet des mêmes marques de sollicitudes (un drame, une loi). L’époque étant ce qu’elle est, le président est partout à l’aise dans son rôle : les réactivités locales surréagissent. Quand on se rend compte qu’il y a de l’aléatoire jusque dans l’expérimentation scientifique, soudain, la science devient une énigme : la frontière du vrai et du faux devient flottante. Il faut pour faire face à l’incertitude constante d’un contexte, pour faire face à l’actualité perpétuellement changeante, donner à ce qui est entrepris une allure de l’urgence permanente. Nous sommes dans un paradigme de l’imprévu et de la terreur. La non prévisibilité des lendemains nous contraint à ne plus avoir de certitudes ...
Aussi divers que puissent paraître les courants de la pensée de droite partagés qu’ils sont entre leurs versions conservatrices y compris celles réactionnaires et l’individualisme libéral, il faut tout de même tâcher d’identifier un socle qui leur soit commun comme un ensemble d’axiomes qui sans faire système ni former une doctrine unique soit capable de tracer le cadre pour appréhender le monde au travers duquel se distribuent les catégories et pour en juger au regard des mêmes valeurs. Si nous passons en revue ces axiomes dans le système des oppositions dans lesquels ils s’inscrivent : le réalisme contre l’idéalisme, l’ordre contre le changement, la hiérarchie contre l’égalitarisme, l’autorité plutôt que la persuasion, une vision pessimiste de la nature humaine qui exclut toute velléité d’une quelconque volonté émancipatrice : le génie consiste non pas à créer mais à conserver. L’intérêt d’une telle entreprise consistante, dans la perspective généalogique qu’elle adopte pour dresser le profil idéologique qui s’en dégage : un tempérament, une tournure d’esprit plutôt qu’une doctrine systématique qui se définit comme antimoderne. Autre principe cardinal de la pensée de droite, l’ordre qui s’oppose au hasard et au chaos qui découle de l’existence de « lois qui selon Montesquieu sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses » qui impliquent la stabilité et s’opposent au conflit. Pour Auguste Comte, « le Progrès est le développement de l’ordre » qui peut aller sans la justice : « je préfère commettre l’injustice plutôt que de souffrir le désordre » dit Goethe. « Avant le souci de la justice doit venir le souci de la société » dit Maurras. L’ordre s’incarne dans la civilisation laquelle est toujours menacée par la barbarie comme le fer le plus poli l’est par la rouille selon Rivarol. « Nous sommes tous des îlots battus par la houle d’incessantes tempêtes : nos maisons sont toutes des forteresses dans la mer » dit Péguy. Une topique classique de la pensée de droite, c’est celle de la citadelle assiégée par les barbares de l’intérieur et par ceux de l’extérieur : hier par la ceinture rouge, aujourd’hui par la racaille des banlieues : ce qui vaut à notre pays une longue tradition d’inhospitalité. Vague après vague : les Italiens, les Polonais, les Maghrébins et les Africains ont été mal reçus et d’ordinaire stigmatisés, souvent humiliés et soumis à toute sorte de discriminations, ce qui a fait dire à un auteur comme stendhal « songez à ne pas passer votre vie à haïr et à avoir peur ». Hippolyte Taine résume ses critiques de la modernité dans son livre Les origines de la France contemporaine en soulignant que l'événement révolutionnaire constamment réécrit ainsi que la pensée des droits de l'homme sont l’objet incessant de diatribes de la pensée de droite : la plupart des articles de La déclaration des droits de l’homme ne sont que des dogmes abstraits, des définitions métaphysiques, des axiomes plus ou moins littéraires, c'est à dire plus ou moins faux, tout juste bons pour une harangue d’apparat non pour un usage effectif ...
Le significatif insignifiant du naturel paradoxal ou du paradoxe naturel. La pierre angulaire de la pensée de droite, c’est le privilège qui est accordé à la réalité et au réalisme, à la force des choses qui s’imposent comme une version élargie du principe d’inertie. Attitude assortie d’une référence constante à la nécessité qui substitue donc partout où c’est possible la nécessité à la contingence : c’est là l’une des opérations de l’esprit préférée de la pensée de droite. Une ligne de faille s'est ouverte entre la défense des valeurs et l'appel au respect des règles d'un côté et l'hédonisme ravageur du capitalisme financier de l'autre. Dans la ligne de mire de cette préférence donnée à la nécessité, la dimension du possible où se déploie l’imaginaire, la fièvre de l’attente, l’appétit et le désir de changement : toutes choses qui paralysent et égarent la pensée. Si l’imagination a toute sa place dans l’ordre de la création artistique et de l’esthétique, dans l’ordre du politique, elle n’a rien à y faire. Le slogan « l’imagination au pouvoir » relève de la confusion des genres. La dimension du possible où se déploie le rêve et l’espérance de l’imaginaire ne font que nous précipiter dans la précarité et la contingence du réel. Ce sont des boursoufflures spéculatives. Rivarol soutenait que le génie ne consiste pas tant à créer qu'à conserver car c’est la loi la plus fixe qui est la bonne et même la meilleur. Cette posture intellectuelle est comparable au " mos maiorum" de Cicéron qui traduit le sens de la coutume par la pratique de nos ancêtres qui est la meilleur parce que selon la formule incantatoire « il en a toujours été ainsi ». Celle-ci opère une transmutation : « nos pères ont toujours fait ainsi ». La durée ajoute son prestige à l’opération. Les hommes ne naissent ni libres ni égaux mais sont toujours déjà insérés, les parents, la famille et la société qui l’accueille dans des réseaux de dépendances et à ce titre ils tâchent toujours d’allier ce que le devoir permet avec ce que le l’intérêt prescrit afin que l’ordre et le progrès ne se trouvent point divisés. Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître s’il ne déguise sa force en autorité et s’il ne transforme l’obéissance en devoir. C’est ainsi que les rapports aux formes de pouvoirs pré modernes ont réactivé les fondements des légitimités archaïques : celles mises en évidence par Max Weber : d’abord l’autorité de l’éternel hier des coutumes sanctifiées par leur validité immémoriale et par l’habitude enracinée en l’homme de les respecter. Ensuite l’autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu : c’est le pouvoir charismatique du prophète ou du souverain plébiscité (fut-il démagogue) avec l’aura qui est censée impressionner tout ce qu’il touche. C'est enfin l’effervescence des motivations qui investissent désormais l’hédonisme ravageur du capitalisme financier spéculatif qui tiennent la dragée haute à tout le reste de la population au travers des effets d'un style ondoyant insaisissable parce qu'insignifiant ... un style qui surjoue le paradoxe comme élément de langage artificiel préfabriqué et précontraint ... un style qui sature le sens par ses effets toxiques ...
CREDIBILE EST QUIA INEPTUM EST ; et sepultus resurrexit ; certum est quia impossibile est : c’est crédible parce que c’est insensé ; c’est certain parce c’est impossible.