La famille et la reproduction sociale en France du Moyen Age au XIXe siècle / Revue Histoire et...

Publié le par Pierre Gapenne

La famille et la reproduction sociale en France du Moyen Age au XIXe siècle / Revue Histoire et...

C’est une vaste enquête au long cours, à la croisée de la démographie, de l’anthropologie et de l’histoire du droit, portant sur l’évolution des structures familiales, de la propriété foncière et de sa transmission, ainsi que celle des offices et charges, de l’an mil aux premières décennies du XIXe siècle. La manière dont le droit saisit les familles est révélatrice, non seulement de l’état de cette institution et des relations qu’elle induit entre parents et enfants – garçons et filles – mais aussi de l’état de la société dans son ensemble. Mariage et héritage montrent ainsi comment le pouvoir et la propriété se transmettent et se reproduisent, tant il est vrai que de matrimonial à patrimonial la distance est minime, juste une lettre et pas même une vie puisque les dispositions liées à la succession se trouvent le plus souvent préfigurées dans les modalités de l’alliance matrimoniale et, après la Révolution, du contrat de mariage. Cette enquête historique, la première du genre par son ampleur, est l’occasion d’un périple à travers toute la diversité des provinces françaises, que la Révolution et le Code Civil finiront par réduire non sans de nombreux accommodements ou résistances du droit coutumier au début.

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Car dans ce domaine comme en tant d’autres les sources de droit étaient d’une grande variété selon les régions. Droit romain au sud, droit coutumier au nord, avec toutes leurs variantes locales, droit wisigothique et ses vestiges, le coup de force de Jérôme Viret est d’avoir tenu tous ces fils sans embrouiller le lecteur profane, en suivant la ligne directrice d’une polarité qui structure ces différents régimes juridiques et sociaux ainsi que leurs évolutions : la double polarité du sol et du sang. Que l’objet de la reproduction familiale et sociale soit une terre, un bien meuble ou immeuble, un office ou une charge sous l’Ancien régime, un nom ou un négoce, les règles de la transmission, avant que s’impose le principe de l’égalité de tous les héritiers, s’ordonnait autour de ces deux principes induisant des valeurs distinctes. Le sol commandait la continuité de résidence du groupe familial sur le territoire et la perpétuation du domaine, il consacrait le droit d’aînesse afin de ne pas démembrer ni disperser le patrimoine. Le sang relevait davantage d’une solidarité indexée sur la parenté au sens étroit, notamment lorsqu’il s’agit de titres ou d’offices à transmettre, et évidemment du nom lorsque se constituent ou se maintiennent des lignages dans la société aristocratique, dont ce livre nous montre qu’elle était extrêmement diverse au point de vue du statut comme du niveau économique. La noblesse de robe acquise pour services rendus à la couronne, plus fragile que l’ancienne noblesse d’épée, pouvait à l’occasion connaître des difficultés financières et repasser par la case départ de l’engagement militaire, meilleur moyen d’accélérer l’assimilation à la noblesse. Mais ce passage pouvait se faire au bas de l’échelle, comme simple soldat et dans ce cas, celui du marquis de la Pailleterie, par exemple, on évitait de galvauder son nom dans les rangs de la piétaille en usant d’un nom de guerre…<br /> <br /> <br /> Mais il arrivait que pour préserver la continuité du sol on transige sur le droit d’aînesse masculin. C’est le sens de cette particularité du droit successoral en Bretagne que l’auteur désigne comme le « féminisme breton » mais qu’on peut constater ailleurs, et notamment dans les partages roturiers, une manière de préserver le principe du rang de naissance lorsque l’aîné masculin fait défaut et qui s’est ensuite limité au cas où il n’y avait aucun héritier mâle. Le cas est d’autant plus remarquable que dans toute cette histoire la place des femmes est toujours secondaire et sous tutelle.<br /> <br /> En instituant le principe de l’égalité de tous les enfants devant l’héritage, la Révolution française aura entériné le choix du sang mais, constate Jérôme Luther Viret, le sang l’a moins emporté sur le sol que sur l’arbitraire patriarcal qui dominait le droit romain.
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