(3) Dissonances et consonances...

Publié le par Pierre GAPENNE

Donner de la bonne conscience à sa mauvaise foi et de la bonne foi à sa mauvaise conscience...

Donner de la bonne conscience à sa mauvaise foi et de la bonne foi à sa mauvaise conscience...

 

 

                3) Choix, désirs et croyances motivées et immotivées

 
          Donner de la bonne conscience à sa mauvaise foi et de la bonne foi à sa mauvaise conscience : nous regorgeons d'aimables vices et nous entretenons des troupeaux de rancunes ...

                Quoi que la théorie du choix rationnel soit très simple, puisqu’elle traduit une sorte d’efficacité instrumentale universelle, (de tous les pays et de tous les temps, elle n’est ni féminine, ni masculine et même on ne peut pas ne pas vouloir être rationnel : si on veut atteindre une fin, on veut forcément employer des moyens efficaces, elle est donc très banale), elle peut néanmoins donner lieu à bien des complications si on examine tous les infléchissements possibles du désir. On peut désirer désirer mais << prendre ses désirs pour des réalités >> est assez périlleux. En effet, soit qu'on se ment à soi-même et qu'on délire sans envisager les conséquences, soit qu'on est démenti par notre entourage qui nous signifie de voir les choses autrement. Par ailleurs, on peut résister à la tentation des désirs : par une négation active, on peut désirer qu'une chose ne soit pas le cas ; par une négation passive, on peut ne pas désirer qu'une chose soit le cas. En tout état de cause, on peut toujours souhaiter faire contrepoids à la tendance qui nous fait croire qu'on peut prendre ses désirs pour des réalités en tâchant de les guérir. Mais, une espèce de désir masochiste d’auto empoisonnement peut aussi s'emparer de notre esprit en transmutant pour ainsi dire nos valeurs en passant de << je ne peux pas >> au << je ne veux pas >> posséder telles ou telles qualités : les gens se convainquent facilement eux-mêmes qu’ils sont malheureux en réprimant eux-mêmes leurs désirs de curiosité pour toutes formes de plaisirs qu’ils ne connaissent pas encore, en transformant leurs désirs de plaire en dédain simulé et en allégresse factice moqueuse, ce qui a l’inconvénient de mettre du déplaisir là où il n'y aurait dû y avoir que du contentement, en se mentant perpétuellement à eux-mêmes. Le coût du travail pour se mentir à soi même, efface ainsi tout le profit qu’on pourrait en tirer : il s’agit là de production de dissonance plus que de réduction de dissonances. Pourtant cette transmutation des valeurs peut parfois être génératrice de bonheurs plutôt que de malheurs : ainsi, certains éprouvent une espèce d’absurde contentement d’eux-mêmes à occuper le rang qu’ils occupent en considérant que des autres sont bien à plaindre : puisqu’ils sont susceptibles d’être calomniés, ils les dédaignent sans les comprendre. Si la multiplication des faibles avantages personnels d’amour propre ne suffit pas à assurer à chacun la dose de bonheur supérieure qui lui est nécessaire à celle accordée aux autres, l’envie est là pour combler la différence. L’envie s’exprime en phrases dédaigneuses, le << je ne veux pas le connaître >> se transforme en << je ne peux pas le connaître >>(excès d'honneur ou excès d'indignité).  On sait que cela n’est pas vrai mais on ne le dit que par artifice. Il y a constamment une interaction entre une surestimation et une sous-estimation à charge ou à décharge en vue de telle ou telle initiative. La démarche de Jon Elster est entièrement optimiste et positiviste : il récuse les affirmations de la psychanalyse qui postulent l’existence de désirs inconscients : il montre à l'oeuvre cette économie libidinale des affects de nos investissements psychologiques : on doit pouvoir mettre à jour et expliquer tous les dispositifs que nous construisons ou que la société met à notre disposition au travers du langage ordinaire des lieux communs pour combattre la faiblesse de notre volonté, la vulnérabilité de notre autonomie et l’espèce d’auto dénigrement, peut être de haine de soi qui nous pousse à agir contre nous. Réussit t’on jamais à nous auto persuader que << les raisins sont trop verts >> ? N’y a t’il pas toujours ou souvent une espèce d’arrière goût d’échec, une reconnaissance à demi consciente du fait que le bien rejeté, reste quand même désirable : il est souvent difficile de détecter la note discordante qui révèle une adaptation imparfaite. L'ombre du doute . Toujours céder sur son désir : <<  tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde >>. L’herméneutique du soupçon (le contre biais de Pascal, la pensée de derrière) est une stratégie à demi consciente pour se faire admirer par soi-même : on ne peut désirer par amour propre d’être délivré de l’amour propre. Dans cette perspective, croire contre soi est une expression du besoin d’amour propre qui est en rivalité avec le désir d’autonomie : ce désir d’autonomie dans cette perspective ne serait qu’une forme d’amour propre. Le besoin de clôture est assez différent de consonance : tandis que la seule frustration du besoin de clôture (de complétude), c’est celle de ne pas avoir d’opinion : le sentiment de dissonance est une disposition affective pour laquelle l’élimination du doute signifie l’affranchissement d’un sentiment de déplaisir. Ce qui fait défaut à la situation, à savoir une compréhension des causes du changement, doit être fourni d’une manière ou d’une autre de façon à alléger la tension d’une appréhension incomplète. Il faut que le vide soit complété immédiatement et pour cela il faut inventer une explication sans plus tarder. On peut généraliser ce besoin de clôture de manière à inclure le besoin d’agir pour des raisons suffisantes. Pour un agent rationnel, l’action, c’est ce qui s’impose étant donné ses croyances (motivées ou immotivées) pour réaliser au mieux ses désirs. Notre besoin d’avoir de bonnes raisons d’agir est susceptible d’influer sur notre choix et même peut être à l’origine de notre choix de faire un choix quelconque. Un mécanisme semblable est d’ailleurs susceptible de se produire après le choix. Si on suppose qu’un agent a le choix entre deux options (deux marques de voiture de même prix) susceptibles d’être évaluées à partir de deux dimensions différentes : qualités de confort et qualités de robustesse. L’agent doit évaluer d’abord l’importance respective des deux dimensions elles-mêmes. La confrontation des valeurs moyennes de ces deux options montre que chacune est également désirable. Pour satisfaire son besoin de clôture, il s’opère dans son esprit à son insu un changement relatif des deux dimensions : ou bien, il va lui avérer que la dimension de confort va être la plus importante ou bien la robustesse va dominer. Si il accorde une importance double au confort mais qu’il s’aperçoit que pour le même prix, il aurait pu en avoir deux pour une, il va se mettre à la trouver inférieure. Ainsi, le changement de préférence induit par le besoin de clôture, le met dans une situation moins favorable eu égard à sa préférence initiale que s’il avait gardé celle-ci. A la suite de sa recherche  d’un bien subjectif (à savoir la paix de l’âme), il a renoncé à un bien objectif (à savoir la meilleure voiture). C’est une manière d’envisager les choses qui est un peu tendancieuse car elle donne le privilège à une préférence initiale qui est difficile à justifier d’un point de vue purement normatif : ce choix induit par ce mécanisme, une perte réelle de bien être. C’est un mécanisme qui réduit la dissonance cognitive ; en certaines circonstances il s’opère un changement des évaluations des poids différents des deux dimensions afin de faciliter le choix de la décision. L’impact rétroactif de l’action de la décision sur le désir et sur la croyance est que la conscience des qualités de l’option choisie et des qualités de l’option rejetée est forcément dissonante. La précarité de l'autonomie Transmutation et transvaluation des valeurs

Publié dans Philosophie

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